Syrie. Les forces syriennes et russes à l’assaut du bastion islamiste d’Idlib

14/05/2019 – 19h30 Syrie (Lengadoc Info) – point 68 – La situation militaire en Syrie avait connu une baisse d’intensité depuis près de huit mois et la mise en place d’une zone tampon le 17 septembre 2018, sur le pourtour de la dernière enclave « rebelle » d’Idlib, au nord-ouest de la Syrie. Le 06 mai 2019, le régime syrien a déclenché une offensive dont on ignore encore la finalité.

L’échec de l’accord de désescalade russo-irano-turc

Depuis huit mois donc, la situation du front d’Idlib paraissait gelée en vertu de l’accord tripartite d’Astana entre la Russie, l’Iran et la Turquie qui étaient sensés assurer la bonne tenue des troupes sur le terrain. Rapidement, des manquements à cet accord sont apparus du fait, notamment, de l’activité de groupes jihadistes rassemblés sous la bannière d’Hayat Tahrir al-Sham. Une bataille pour le leadership dans la zone d’Idlib avait d’ailleurs été engagée début 2019 occasionnant 130 morts parmi les factions « rebelles » belligérantes. Le groupe Hayat Tahrir al-Sham, anciennement affilié à Al-Qaida, en était sorti renforcé.

Le gouvernement de Bachar el-Assad répondant à cette présence jihadiste par des bombardements localisés sur les places fortes jihadistes situées au sud de la poche. Aucune avancée militaire n’avait été entamée depuis tout ce temps jusqu’à ce lundi 06 mai 2019.

Il est difficile de déterminer précisément quel a ou quels ont été les facteurs déterminants pour le déclenchement de cette délicate offensive sur le plan diplomatique.

Le président turc Recep Erdogan est sorti affaibli des élections municipales du 31 mars 2019 et de la récession économique en cours en Turquie. Une faiblesse exploitée par Bachar el-Assad sur le plan militaire face au groupe rebelle du Front National de Libération piloté par la Turquie.

Un facteur déterminant est sans nul doute la crise que connait la Syrie au niveau de l’approvisionnement en carburant qui est la conséquence du blocus imposé à l’Iran par la Coalition internationale.

Un troisième élément est la récurrence de bombardements rebelles sur la base aérienne russe de Hmeimim. Ces attaques aériennes, sans grande efficacité notable, à l’aide de drones proviennent de la zone d’Idlib et agacent l’état-major russe. Ils sont devenus un prétexte pour l’engagement opérationnel russe au plus près des forces loyalistes syriennes.

A l’assaut de la poche d’Idlib

Le démarrage au sol de l’offensive du 06 mai 2019 appelée « Idlib Dawn » a été précédée par une campagne de bombardements aériens de forte intensité sur les positions rebelles, à la fois par l’aviation russe et syrienne. Cette campagne s’est déroulée sur dix jours.

Deux axes offensifs ont vu le jour. Le premier, qui n’a pas donné de résultats significatifs, se situait sur les hauteurs dominant la plaine d’Al-Ghab à l’ouest sur un verrou interdisant l’autoroute M4 au nord de Lattaquié. Le deuxième a, lui, connu les premiers gains gouvernementaux depuis les victoires successives de l’année 2018. L’offensive terrestre a été menée sur le flanc sud-ouest de la poche d’Idlib, au sud de la plaine d’Al-Ghab. De rudes combats ont eu lieu, occasionnant des pertes dans les rangs des combattants loyalistes, mais se sont conclus par un gain territorial de plus de 120 kilomètres carrés et une porte d’entrée dans le flanc sud-ouest de la poche d’Idlib par la capture de la ville de Kafr Nabudah.

La difficulté tactique pour le commandement des forces armées loyalistes consiste en la présence d’un massif montagneux appelé Jabal Shahshbo placé comme un coin dans l’axe de la progression. Il convient donc de diviser les forces en trois de façon à occuper la plaine d’Al-Ghab à l’ouest, la plaine du nord d’Hama et le massif Zawiyah en question. La prise de ces points hauts étant déterminante pour la progression en plaine. Le développement se fera prioritairement en direction de l’est, de façon à former une poche dans la zone sud de la poche d’Idlib et forcer la reddition des villes considérablement fortifiées d’Al-Lataminah, de Morek, de Kafr-Zita et de Khan Sheikhun. Cette tactique a de nombreuses fois été employée avec succès par l’armée syrienne.

Le reste du front depuis janvier 2019

L’évènement majeur qui a eu lieu depuis le début de l’année 2019 reste sans contexte la réduction de la poche aux mains de l’Etat Islamique le long de l’Euphrate. On se souvient que le territoire encore aux mains des jihadistes fidèles à Abubakr al-Baghdadi s’était réduit comme peau de chagrin avec la prise d’Hajin le 14 décembre 2018. Le dernier carré encore aux mains de l’Etat Islamique se résumait à une vingtaine de kilomètres carrés dans lequel se concentrait l’ensemble des combattants jihadistes. Cette surface s’est encore réduite jusqu’à ne plus s’étendre au sud-est de Baghouz, uniquement sur quelques centaines de mètres carrés de terrain vague sous lequel les combattants se terraient dans des tunnels. Une grotte à flanc de falaise surplombant l’Euphrate a constitué le dernier réduit de ces combattants qui ont été délogés au missile plusieurs jours après la fin officielle des combats le 23 mars 2019. Une victoire pour les Kurdes des Forces Démocratiques Syriennes et les Etats-Unis qui aura entrainé la capture de nombreux combattants étrangers. Victoire incomplète malgré tout puisque la zone libérée ne revêtait aucun intérêt stratégique particulier et que le calife désormais sans califat Abubakr al-Baghdadi n’a pas été capturé ou tué.

Ce dernier s’est d’ailleurs fendu d’une intervention publique par la diffusion d’une vidéo le 29 avril 2019. Cette apparition revêt un caractère majeur puisque c’est uniquement la deuxième fois qu’il apparaissait en vidéo, la première ayant eu lieu pour la déclaration du Califat à Mossoul en 2014. Le message était clair et impliquait notamment un retour à la guérilla et à un appel aux jihadistes du monde entier et notamment à ceux de l’Afrique de l’Ouest.

Martial Roudier

Photos : DR

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